Nous prenons le train de nuit le sapaly express.
Arrivée à la gare de Hanoï, en attendant le train, ma mère d’un nature peu loquace marque un temps d’arrêt.
Avec une pointe de nostalgie, elle raconte:
– Je reconnais cette gare. J’avais 14 ans quand j’ai pris le train pour quitter Hanoï.C’était le premier voyage de ma vie.
Marie lui demande un peu plus d’explications et ma mère poursuit.
– A l’époque, il fallait un visa pour quitter Hanoï. Ma cousine ainée en avait un, elle état venue dire au revoir à la famille, j’étais jeune et donc exclue de la discussion. En partant, elle m’a demandé pourquoi je ne partais pas et je lui ai répondu que je voulais bien partir. Alors elle m’a dit de venir avec elle. Dans la soirée j’étais avec elle dans le train, mais sans visa et un petit sac pour tout bagage. Lorsque le contrôleur est arrivé, ma cousine a expliqué que j’étais sa petite soeur etc etc… mais le contrôleur n’a rien voulu savoir et il a dit qu’arrivés à la ligne de démarcation, il faudrait que je descende et me débrouille pour repartir. Arrivées à la fameuse ligne, ma cousine m’a dit d’aller à un endroit précis du grillage qui séparait les 2 zones. Avec son visa, elle est passée de l’autre coté, elle a été au grillage et m’a passé ses papiers à travers le grillage: je suis remontée dans un train, pas le même que ma cousine. Plus tard ma cousine m’a racontée que le contrôleur était revenu et lui avait demandé ce qu’elle avait fait de moi et elle a répondu « j’ai fait comme vous avez dit, je l’ai fait descendre ». Ceci avait déclenché une vague de protestation et de commentaires de la part du contrôleur, des autres passagers, car il n’y avait rien à la ligne de démarcation, pas de village, pas de bus… J’ai donc rejoins Haïphong. Depuis là, je suis descendue vers Saïgon. Je ne suis jamais revenue à Hanoï.
Petit silence. Avec Marie, on intègre ce qu’elle vient de nous raconter. On lui poserait bien quelques questions, mais on ne sait pas par quel bout commencer. Marie se lâche:
– et après, qu’as tu fais? Comment as tu vécu? Et ta famille, tes frères, soeurs, ta mère?
Avec cet air impassible qui la caractérise, ma mère répond tranquillement:
– Il y avait des cousins dans le sud qui m’ont accueillies. Je ne savais pas quand je reverrai mes frères et soeurs, ni ma mère. A cette époque, ceux qui pouvaient partir, partaient et on voyait après…
Ah ça, c’est histoire peu ordinaire d’un premier voyage. A la réflexion, je me demande si c’était un voyage ou un exil. Je n’en sais rien en fait.
Le temps passe vite, nous filons au train. On s’est réservé la cabine pour nous toutes seules. grand luxe… Par contraste, j’imagine les banquettes en bois du train que ma mère avait pris en 1946…

















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