Et dans tout ça, quand est ce qu’on rentre?
Ben, faut attendre que le blizzard cesse… C’est donc l’attente…
Le lendemain, blizzard toujours, nous sommes obligés de retarder notre départ d’au moins 24 heures.
Discussion avec la réception de l’hôtel: il ne peut pas tous nous garder, il y a des chambres réservées.
Ah bon? Ca reste un mystère: d’ou viennent les nouveaux occupants de l’hôtel? A ma connaissance, en hiver Iqualuit n’est reliée au reste du monde que par voie aérienne. Pas de routes (gelées) pas de bateau (icebergs, gel). Mais il s viennent d’ou?
Bon, peu importe, en attendant, il faut 5 volontaires qui acceptent de dormir dans l’avion et de veiller sur l’APU. Je me dévoue, je suis certaine que ce sera intéressant…
Nous prenons donc un taxi depuis l’hôtel pour aller à l’aéroport.
Avec le blizzard, on n’y voit rien, les phares font un halo dans une tempête de neige, le taxi roule doucement sur ce qui doit être la route. Tout d’un coup, sur le coté du halo lumineux, on voit une main qui sort de nulle part et s’agite un peu… Un passant qui marche le long de la route et fait du stop.
Avec cette météo, le laisser dehors ce serait de la non assistance à personne en danger. Le taxi s’arrête donc et après 2 mots échangés, le piéton monte, on s’entasse un peu.
Quelques minutes plus tard, pareil, une autre main surgit dans la bourrasque et le halo lumineux, et hop un passager de plus.
Finalement, nous arrivons à 8 dans une voiture pour 5. Il y a de l’ambiance dans la voiture.
La nuit commence, et nous prenons nos « quarts »,

Nuit ponctuée de quelques sorties de nuit pour faire le tour de l’avion et vérifier que tout va bien.
On ose même se prendre en photo.

Je précise qu’avec le froid, les batteries gèlent, il faut donc garder l’appareil photo dans le blouson et le sortir au moment de la photo (rien que d’y penser, je me souviens du vent qui s’engouffre à l’ouverture du blouson.

Puis, un matin, il faut beau.
Ca y est, on sonne l’heure du départ, on vérifie l’avion, on met en route et zut… une IDG en panne…
Là on a un problème sérieux: on a plus d’IDG de rechange. On a un risque à voler comme ça, la probabilité de se retrouver sur 2 moteurs n’est pas négligeable.
L’équipage étudie toutes les options y compris celle de voler en équipage minimum et d’évacuer toutes les autres personnes par la ligne à Montréal.
Le problème est également que chaque jour qui passe diminue nos chances de repartir avec l’avio: ce matin, on a constaté des pettes fuites sur le circuit de freon: les jpints ont effectivement gelé avec ce séjour prolongé dans le froid, et ce n’est qu’un exemple. Il devient urgent de repartir.
Réunion téléphonique d’urgence avec la direction des essais en vol: Claude Lelaie, directeur des essais en vol (et futur 1er pilote de l’A380) prend la décision immédiatement. Ils vont faire décoller u A319 avec une équipe de mécano (pour prendre le relai de ceux ici, qui sont fatigués), des IDG de rechange, l’outillage complémentaire et le responsable électrique du bureau d’étude (au passage, j’apprends qu’il est en vacances, mais qu’Airbus va le chercher tel qu’il est (en hélico?) et le fait monter dans l’A319 sans qu’il ait le temps de préparer aucun bagage: à la guerre comme à la guerre). Nous apprenons que l’A319 a décollé même pas 3 heures après l’échange téléphonique. Trop fort!
Nous attendons impatiemment l’A319 qui arrive, j’ai l’impression de faire partis d’une bande de naufragés qui agitent les bras dans le ciel en voyant l’avion sauveur arriver…
L’A319 arrive, il décharge, n’éteint même pas les moteurs (on ne veut pas risquer qu’il ne re-démarre pas); hop tout le monde est déjà prêt à intervenir, les valises de tout le monde sont déjà dans l’avion: la consigne est de réparer au plus vite et de repartir à la maison…

Médecin de campagne à l’ouvrage… Faut bien s’occuper
Après quelques heures, l’A340 est enfin dépanné! Tout démarre normalement et on rentre enfin, impressionnés par tout ce que nous avons vécu en si peu de temps.
Voilà qui marque la fin d’une campagne temps froid mémorable.